29 mai 2007

Les Québécois disent non... à la logique néo-libérale

Au cours des dernières élections provinciales (Québec), on a reproché au gouvernement Charest de ne pas avoir tenu l'une de ses promesses électorales, celle de baisser les impôts. Puis quelques jours avant le scrutin, Québec a reçu une grosse somme d'argent en vertu d'une nouvelle entente sur la péréquation. Charest s'empressa de promettre une baisse d'impôt, que les autres partis ont tout de suite décrié comme étant une décision partisane en vue de se faire réélire.

Le 26 mars dernier, les Québécois ont réélu l'équipe de Charest, qui doit composer avec un gouvernement minoritaire. Le budget sera déposé vendredi et depuis une semaine, on ne fait qu'en entendre parler. Pourquoi? Parce que le gouvernement Charest va de l'avant avec sa baisse d'impôt de 950 millions de dollars, dont 700 millions proviennent du règlement du déséquilibre fiscal. Les partis de l'opposition réclament que cet argent soit réinvesti dans les programmes sociaux. Un sondage Léger Marketing - Le Devoir paru hier confirme que 70% des Québécois ne veulent pas de baisses d'impôt. Le sondeur, soufflé par ces chiffres (voir article ici), improvise une explication, un peu rigolote:

«C'est la première fois de l'histoire, peut-être, qu'un gouvernement perd des points parce qu'il propose des baisses d'impôt!», déclare le sondeur. Selon ce dernier, les Québécois semblent avoir «intégré le discours des partis d'opposition». Selon lui, si des sondeurs français prenaient connaissance de ces résultats, il s'écrieraient: «Mais ils sont fous, ces Québécois!»

Le gouvernement Charest estime qu'il est temps de donner du répit à la classe moyenne et que les baisses d'impôt encourageront les nouveaux venus à s'installer au Québec, stimuleront la création de la richesse et inciteront les jeunes, plus mobiles que jamais, à rester au Québec. Il indique aussi que d'importantes sommes ont été investies dans la santé et l'éducation avant l'arrivée du règlement du désiquilibre fiscal et que ces deux importants domaines voient leur budget augmenter de 6%. Mais il veut aussi dégeler les frais de scolarité et les augmenter de 33% en 5 ans. De son côté, le Parti québécois veut plus d'argent pour les régions ressources, pour les éducateurs spécialisés et pour les soins à domicile. L'ADQ de Mario Dumont: ils votront contre de toute façon.

Cette histoire me fait sourire, mais aussi réfléchir. Dire non à des baisses d'impôt? Ca va contre toute intuition. Le Québec est le territoire le plus imposé en Amérique du Nord. Une personne seule qui gagne l'équivalent de mon salaire donne 46% de ses revenus à l'État. En comparaison, je remets 34% de mon salaire aux deniers publics depuis que je vis en Alberta (ces chiffres sont pour l'année 2005).

Mais... car bien sûr il y a un mais! En Alberta, les services publics sont moins bien nantis que ceux du Québec. Quelques exemples: un mois à la garderie coûte 217$ aux parents québécois (un taux fixe) alors qu'il en coûtait en moyenne 522$ pour les petits albertains en 2005. Deuxième exemple: les frais de scolarité s'élèvent en Alberta à 225% du prix payé au Québec (chiffres de 2003). Prenons aussi l'exemple du déneigement, une réalité inévitable de la vie canadienne. Bien que ce soit les municipalités qui en défraient les coûts, la comparaison est quand même intéressante (les impôts fonciers et les transferts aux municipalités étant aussi beaucoup moins élevés en Alberta). Je n'ai pas de chiffres, mais je sais que toutes les villes du Québec, grandes et moins grandes, sont déneigées de façon impeccable. Ici, c'est la misère. La solution albertaine: ceux qui en ont les moyens s'achètent un 4x4 (et paient à gros prix tant l'essence que le coût/coup écologique).

Je ne dis pas que le Québec ne devrait pas réduire les impôts. Je dis seulement que si je devais choisir entre entre une baisse d'impôt et une meilleure justice sociale, je choisis vous savez quoi.

24 mai 2007

La marche de l'eSPoir

Permettez-moi un commentaire un peu plus personnel qu'à l'habitude...

Ce dimanche, je vais marcher 15 km dans la vallée River Valley à Edmonton. En général, c'est plutôt en bicyclette que je me promène tout autour de la rivière North Saskatchewan, mais je vais troquer mes roues pour mes espadrilles pour une bonne cause: la recherche sur la sclérose en plaques. Ce sera d'autant plus significatif que je le fais pour ma mère, atteinte de la maladie, qui, bien qu'elle soit en pleine forme, ne peut plus marcher les longues marches que nous avions l'habitude de prendre. Sa jambe droite est, disons, devenue paresseuse.

Quand elle a reçu le diagnostic, il y a presque 11 ans déjà, on imaginait le pire, les symptômes de la sclérose en plaques étant imprévisibles et souvent sévères. Toutefois, ma mère a la chance de vivre une vie normale, bien qu'elle souffre de sa maladie dans la solitude. Ses symptômes étant souvent invisibles (fatigue, problèmes musculaires de toute sorte, faible résistance, etc.), son état semble normal. On ne perçoit pas les tracas qu'elle vit dans son quotidien étant donné la capacité incroyable que nous avons de compenser pour nos faiblesses et, admettons-le Maman, une certaine fierté parfois mal placée. Enfin, je veux prendre un petit moment pour lui dire à quel point j'admire sa détermination à vivre une vie saine et normale malgré son état. Elle m'a dit un jour que la sclérose en plaques l'avait sauvée... car depuis, elle a ralenti son rythme, elle fait attention à elle, mange sainement et, mis à part la SP, elle a la forme d'une femme de 35 ans.

Je marcherai donc pour elle, avec tout le soutien de mes amis et de ma famille, qui pour encourager mes efforts, ont généreusement contribué à ma collecte de fonds... j'en suis à 640 dollars, et je compte toujours... ! Voyez pour vous-mêmes!!


05 mai 2007

Le saviez-vous, vous autres?

Voici une nouvelle capsule linguistique... ! Cette fois-ci, plongeons-nous dans la syntaxe... le mot vous rebiffe peut-être, mais vous verrez, ce n'est pas si compliqué.

Très souvent, au lieu de s'en tenir à "nous", "vous" ou "eux", les Québécois diront "nous autres", "vous autres", "eux autres"... Ca vous semble bisarre? Mais pas du tout! En faisant ainsi, les Québécois distinguent deux types de pronoms: les pronoms que l'ont dit faibles et ceux que l'on dit forts. En français de référence, les pronoms faibles (que l'on appelle dans les grammaires courantes les pronoms d'objet direct et indirect) ont les propriétés suivantes: ils sont réductibles et/ou non-déplaçables. Par exemple, me, te, le et la se réduisent à m', t', et l' et dans une phrase comme je m'/t'/l'aime, le pronom ne peut se situer nulle part ailleurs dans la phrase. On ne dira pas *J'aime te.

Les pronoms forts maintenant (que l'on appelle dans les grammaires courantes les pronoms disjoints). Au contraire des autres, ces derniers sont déplaçables mais non-réductibles. Ainsi, moi, toi, lui, eux peuvent se déplacer dans une phrases mais leur forme sera sera en aucun cas transformée: Moi, je l'aime. Je l'aime, moi. Mais pas: *Me, je l'aime.

Notez que j'ai évité de mettre dans mes deux listes de pronoms - les forts et les faibles - les formes qui se recoupent dans les deux catégories. En effet, que l'on parle de l'une ou l'autre des deux catégories, on aura nous et vous peut importe le type de pronoms. Par exemple: nous, il nous aime. Le premier pronom est fort (déplaçable) et le deuxième est faible (non-déplaçables). On pourrait avoir: Il nous aime, nous mais pas: *Il aime nous, nous. La surutilisation d'une même forme pour exercer deux fonctions constitue une faiblesse structurale dans notre langue.

Jusqu'à ce que les Québécois s'en mêlent... Alors que le français dit de référence ne fait pas la distinction entre les formes faibles et fortes pour les pronoms pluriels, cette distinction est très claire en français québécois. On aura donc:

En français standard

formes faibles: me, te, le, nous, vous, les
formes fortes: moi, toi, lui, nous vous, eux

En français québécois

formes faibles: me, te, le, nous, vous, les
formes fortes: moi, toi, lui, nous autres, vous autres, eux autres

Nous autres, les francophones du Canada, on a perçu et corrigé un phénomène de réduction structurale. Autrement dit, là où il n'y avait pas de distinction (les pronoms pluriels), nous en avons introduit une (et "eux autres" suit par principe d'analogie). Le saviez-vous, vous autres?