27 octobre 2007

La dictature de la majorité?

Cette semaine, Pauline Marois a proposé le projet de loi 195 sur l'identité québécoise. Je l'ai dit sur une autre tribune, et je le répéterai ici: ce projet contient d'excellents éléments dont l'obligation pour le gouvernement de franciser les immigrants et celle de reconnaître les diplômes décernés à l'étranger. Bisaremment, aucun média ne semble mentionner ces dispositions.

En contre-partie, les nouveaux arrivants devront démontrer qu'ils connaissent la langue avant d'accéder à la citoyenneté. Selon Cyberpresse, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont des dispositions semblables. Cette disposition me semble a priori raisonnable, sauf que celui qui ne parlerait pas français ne pourrait se présenter à une élection ni voter, puisque ce privilège est réservé aux citoyens. Qui plus est, le Canada, et non le Québec, remet la citoyenneté aux nouveaux venus. Pauline Marois - qui pour l'instant ne mentionne même pas la possibilité d'un Québec indépendant - interdirait-elle à ces derniers le droit de voter au Québec? Ce serait une aberration. Ce projet est jugé discriminatoire par la Commission des droits de la personne et le Canada anglais a décrié ce projet, l'afflubant des pires épithètes : raciste, scandaleux, discriminatoire, anticonstitutionnel. Ce jugement est sans doute sévère, mais pas si extravagant que ça non plus. Que diraient mes concitoyens francophones vivant en Alberta si leur droit de vote était conditionnel à leur connaissance de l'anglais? Hum... on crierait au racisme, au scandale, à la discrimination et au désir anticonstitutionnel du Canada anglais d'étouffer les communautés francophones.

Pendant ce temps, un sondage Léger Marketing indique que les Québécois semblent approuver le projet 195. Ce n'est pas vraiment surprenant: il est compréhensible de vouloir protéger sa langue. Toutefois, comme la Commission des accommodements raisonnables l'a fait ressortir ces dernières semaines, la peur de l'autre, souvent injustifiée, peut donner lieu a des opinions et des idées saugrenues qu'on ne peut justfier sous prétexte de vouloir protéger l'identité québécoise. On n'a qu'à penser aux propos d'André Drouin, conseiller municipal d'Hérouxville, où les résidents ont adopté un "code de vie" interdisant notamment le port du voile. Cette semaine, ce conseiller invoquait devant la Commission la nécessité d'un changement à la Charte canadienne des droits et libertés pour empêcher tout accommodement à motifs religieux. N'a-t-il pas compris qu'il mettait ses propres droits en péril, par exemple celui d'avoir congé lors des fêtes judéo-chrétiennes comme Noël ou Pâques?

Le désir des Québécois francophones de protéger leur langue et leur culture ne leur donne pas le droit de dicter les choix linguistiques de leurs concitoyens.
Et qu'ils souhaitent en majorité adopter la loi sur l'identité québécoise ne rend pas ce projet démocratique.

Je suis fatiguée du nombrilisme qui afflige les Québécois en ce qui concerne leur statut linguistique et culturel. Cela est symptomatique d'une insécurité linguistique injustifiée puisque l'usage du français est en hausse au Québec. Je citerai ici André Pratte dans la Presse:

les statistiques disponibles montrent que les immigrants apprennent le français dans les quelques années suivant leur arrivée au Québec. Pour ce qui est des Canadiens des autres provinces, ils sont trop peu nombreux à s'installer ici pour compenser le déclin démographique de la communauté anglophone. Où est le péril contre lequel on veut ériger cette nouvelle muraille coercitive?
Cette attitude risque de nuire à l'intégration des communautés culturelles... nous n'avons qu'à regarder ce qui se passe chez nos cousins de l'autre côté de l'Antlantique, notamment les émeutes en banlieue parisienne, pour comprendre que nous avons plus à perdre qu'à gagner en se refermant sur nous-mêmes.