Au moment où j'écris ces lignes, je crois qu'il n'est plus nécessaire de faire la démonstration que la position de Jan Wong est non seulement farfelue mais également empreinte du racisme qu'elle veut dénoncer. J'aimerais toutefois noter au passage que l'article illustre une pensée dichotomique de la part de l'auteure qui ne fait qu'agrandir le fossé entre les communautés francophone et anglophone. Par exemple, la Gazette est pour elle "the city's only English-language daily" et Montréal, une ville qui a deux identités: "although Montreal is a big city, English-speaking Montreal is not." Elle réutilise les termes ethnophobes qu'elle répugne en indiquant que le tueur de Dawson, Marc Lépine ou Valery Fabrikant n'étaient pas des "pure laine" - alors qu'ils n'ont jamais revendiquer leurs actes en termes ethniques.
Comme le mentionne IP en réponse à mon court blog plus tôt cette semaine, la tragédie de Dawson est une chose, et la discrimination linguistique en est une autre. Quoique Wong mélange tout, on ne peut jeter du revers de la main l'idée qu'il y a discrimination linguistique au Québec. Certains évoqueront le passé douleureux teinté d'hégémonie anglophone dont les Québécois francophones ont été victimes jusque dans les années 60 pour justifier la situation favorable dont ils jouissent actuellement. Ce passé demandait une intervention étatique de façon à redonner "le Québec aux Québécois".
Mais qui sont ces Québécois? Là est la question... Nous nous rappelerons de la bavure de Parizeau qui attribua l'échec de 1995 sur la souveraineté au "vote ethnique" ainsi que ce qui se disait un peu partout en province sur la majorité de Québécois francophones qui avaient voté pour la souveraineté, insinuant au passage ce que Parizeau avait oser dire tout haut. Bien sûr, ce "purelainage" qui donnerait aux Québécois francophones dits de souche un statut de citoyen de première ligne est une idée répugnante (pour reprendre le terme de Wong). Toutefois, quand des arguments de discrimnation linguistique sortent de la bouche des Anglophones qui ne vivent même pas (ou plus) au Québec, leurs arguments manquent à mon avis de fondement. Les lois linguistiques du Québec protègent les deux peuples fondateurs (cette expression étant elle-même douteuse, étant donné la présence des peuples autochtones avant l'arrivée des Européens). Les anglophones de Montréal (puisque c'est surtout là qu'on les retrouve) ont leurs hôpitaux, leurs écoles, leurs cégeps, leurs universités en plus d'avoir maintes opportunités d'apprendre le français. Ainsi, quand on évoque les lois linguistiques comme preuve d'une exclusion, comme menace des droits de la minorité anglophone, souvent "on cherche à caricaturer la nation québécoise comme un regroupement ethnique pour invalider le nationalisme québécois et laisser entendre qu'il est fondé sur l'exclusion" (Michel Seymour, professeur de philosophie à l'Université de Montréal).
Cela dit, l'exclusion fait à mon sens partie du problème. Je crois que AP (que je remercie de prendre la défense du Québec) simplifie un peu le problème, qui est plus complexe que d'imputer le comportement des Québécois à la simple défense ou protection du français et non à une attaque envers les autres (notons les mots choisis ici, qui font souvent partie du discours nationaliste visant à victimiser les Québécois francophones pour les rendre sympathiques à la cause souverainiste). Je pense ici à l'exclusion des peuples autochtones, justement, mais aussi des nouveaux arrivants, allophones particulièrement. La loi 101 avait comme objectif d'orienter les choix linguistiques des allophones et à rétablir le statut du français dans la sphère publique, dans le monde scolaire et dans les domaines du travail et des affaires. Le français est alors devenu source de capital linguistique et économique, ce qui pouvait se justifier par la présence d'une majorité francophone vivant sur le territoire québécois. A mon sens, la discrimination linguistique se matérialise lorsque l'accès à ce capital linguistique est limité à un groupe d'individus au profit d'un autre et qui en retire des avantages symboliques (parler le français québécois comme un "pure laine", par exemple) ainsi qu'une mobilité économique plus aisée.
Peut-on concevoir que les personnes n'ayant pas accès à ce capital se sentent laisées? Certainement. Cela se produit-il au Québec? Oh que oui! Bien qu'ils crient haut et fort, je ne crois pas que ce soit les anglophones qui en soient victimes... ce sont plutôt les immigrants de première et de deuxième générations qui souffrent trop souvent en silence.