19 juillet 2012

Des tampons et des hommes

Mona et son mari sont propriétaires d'une minuscule épicerie qui ressemble à des dizaines d'autres en ville. On y trouve toutes les denrées essentielles: du lait, des œufs, des pitas, de la sauce tomate, de l'huile, de la farine, mais aussi des croustilles, du Pepsi, des bonbons et de la crème glacée. Plusieurs produits en vrac sont entreposés dans de grands barils: pâtes, abricots, dattes, ibiscus et autres thés. Si le client en demande, ma belle-sœur plonge la main dans le tonneau, dépose quelques poignées dans un sac et pèse son contenu à l'aide d'une vieille balance à deux plateaux. Tous ces trucs et pleins d'autres choses sont empilés jusqu'au plafond. Le magasin est muni d'une échelle permettant au commis d'atteindre les denrées moins populaires.  Les clients lui dictent ce dont ils ont besoin car le lieu est trop exigu pour le libre service. Les consommateurs doivent s'armer de patience puisqu'ils sont servis un à un. Chacun de leurs items est placé dans un sac de plastique gros comme rien.

Depuis notre dernière visite, le supermarché Arafah a ouvert ses portes à Fayoum. On peut y acheter tout ce qu'on ne trouve pas chez Mona: viande, yogourt, fromage, Nutella, céréales... même du pain tranché à grain entier. C'est devenu notre commerce préféré, sauf qu'à part la variété des produits il a peu pour se faire aimer. Les rangées sont si étroites qu'on ne peut passer plus d'une largeur d'épaules à la fois. Les clients s'agglomèrent autour des frigos et des comptoirs et s'écrasent sur les vitrines pour laisser passer celle qui a trouvé tout ce qu'il lui fallait. Les paniers sur roues disponibles à l'entrée sont comme des autos tamponneuses dans un carré de sable. Même si celui qui manipule l'engin avec peine réussit à négocier un passage serré, ce sont les roues qui bloquent ou un client qui lui fonce dessus. 

Jusqu'à tout récemment, ce magasinage à la Wal-Mart n'existait pas. Il fallait plutôt faire mille et uns petits magasins pour acheter tous ce dont nous avions besoin et beaucoup d'Egyptiens préfèrent toujours faire comme ça. Chaque commerçant se spécialise dans un type de produits. J'en ai vu un l'autre soir qui vend des éponges, toutes pareilles, au coin de la rue. Les plus petits marchands de fruits ont une seule variété dans leur kiosque: melon d'eau, mangues, abricots ou raisins. Les plus gros ont tout ce qu'il faut mais n'offrent pas de légumes. Le boucher, qui ne vend sa viande que fraîchement saignée, ouvre son commerce deux fois la semaine seulement.  Le lait pour nourrisson, et les tampons, se trouvent uniquement chez le pharmacien. Enfin, c'est ce qu'on croyait. J'ai envoyé Yasser acheter des Tampax. Il a fait trois pharmacies, dont la plus grande en ville, se devant à chaque fois d'expliquer la nature du produit qu'il cherchait. 

- Vous savez, c'est des bouts de coton gros comme un doigt que la femme insère dans, euh, vous savez, euh, ça absorbe le sang... ?

Il est revenu avec des serviettes sanitaires.

Aucun commentaire: