12 juillet 2012

Prière d'enlever vos souliers

Nous sommes sortis hier soir acheter des fruits et quelque bric-à-brac pour la maison.  Ma seule présence résultant en une inflation des prix, je suis restée dans la voiture pendant que Yasser barguinait nos achats. Dans d'autres circonstances, je préférerais rester à la maison plutôt que de me tourner les pouces dans la voiture, mais ici j'aime observer du confort de mon habitacle climatisé la vie fascinante qui défile devant moi. 

Une fois la voiture stationnée, dans un espace si minuscule que je me demande par quelle magie on en ressortira, Yasser disparaît rapidement parmi les piétons tandis que Ramadan sort fumer une cigarette au coin de la rue. Je déroule la fenêtre pour entendre et voir de plus près. Un jeune homme est assis par terre un ordinateur portable sur les cuisses, une dame, vêtue d'une longue tunique noire et d'un hijab assorti lui couvrant le visage, ouvre la porte menant à son appartement, un sac à la main. Une autre, plus jeune, parle au téléphone sur son balcon deux étages plus haut, les cheveux découverts. Un homme s'arrête à la devanture d'un magasin, s'accroupit sur un banc. Des enfants déambulent dans la ruelle, sans but précis.

Une voix s'élève. L'imam de la mosquée du coin appelle à la prière avec un haut-parleur faisant retentir sa voix partout dans le voisinage. D'autres lui font écho, au loin, créant une cacophonie diffuse. Dans la rue, un homme vêtu d'une galabeya blanche semble venir vers moi.  Un autre habillé d'un jeans et d'un t-shirt s'approche d'un pas décidé. Un autre encore, portant une galabeya grise, dévale les escaliers extérieurs de son appartement. Une mobylette s'arrête à ma hauteur ; son passager en chemise et cravate en descend tranquillement. Soudain, une demi douzaine d'hommes tournent le coin et hâtent le pas dans ma direction. Ils sont grands et minces, petits et trapus, ils portent la barbe ou la moustache ou sont rasés de près, ils ont le teint foncé ou la peau claire. Ils ont à peine douze ans, la jeunesse dans les traits ou l'âge de mon chum ou celui de mon père.

Ils disparaissent rapidement derrière la voiture. Je me retourne et j'aperçois une porte ouverte. De la voiture j'épie discrètement les hommes qui se déchaussent avant d'entrer dans une grande salle couverte de petits tapis verts.  Malgré le grand nombre de fidèles que j'ai vus passer, la salle est vide. Ils disparaissent dans un coin et peu à peu en reviennent les pantalons roulés, la chemise parfois éclaboussée de s'être lavé les pieds, les mains et le visage. Puis ils forment quelques rangées, debout, et attendent les directives de leur imam.

La portière ouvre et Yasser se faufile dans la voiture. Nous repartons aussitôt. De mon observatoire improvisé, je soupire de déception et je roule ma fenêtre pour retrouver mon cocon frigorifié.

1 commentaire:

Christine a dit...

Tes observations nous font voyager avec toi sans l`incomfort que tu rencontres! C`est très fascinant de découvrir une nouvelle culture surtout quand on est dépayser +++.
Tous le monde dont André, Marie et Sophie aime ton blogue +++.