22 juillet 2012

Radin, radine

Je vis dans un pays où je ne parle pas la langue. Je ne m'y retrouve pas dans les ruelles transversales à la grand route, celles où les commerces pullulent.  Je ne sors jamais avant le coucher du soleil à cause de la chaleur infernale. Ainsi, ça ne surprendra personne, je ne m'aventure jamais loin toute seule. 

Pour planifier l'anniversaire de mon chum, je n'ai eu d'autre choix que de le mettre au courant de tout. À commencer par les cupcakes à la pâte de Boreo (le contrefait de l'Oreo) pour lesquels il est allé m'acheter tous les ingrédients, dont évidemment les pas si fameux Boreos. Nous sommes sortis aujourd'hui pour remplacer son bracelet de montre, ce que je comptais lui offrir pour sa fête, le sien ayant vu de meilleures années. Parce que c'est le mois du Ramadan, impossible de trouver un commerce ouvert à la brunante, chacun attendant très impatiemment la fin du jour pour le repas d'iftar à sept heures. Nous nous sommes vus dans l'obligation de sortir en plein après-midi puisque nous ne voulions pas attendre jusqu'à tard le soir pour faire notre magasinage.

Voir la vie en couleurs apporte son lot de nouveautés. Nous sommes sortis du taxi et avons marché une centaine de pas. Au coin se trouvait le local d'un barbier délaissé par ses clients. Il faisait la sieste couché par terre entre ses deux chaises de coiffure. Un jeune enfant portant des babouches trop grandes pour lui est venu acheter une demi-douzaine de pitas dans le commerce d'en face. J'ai vu le boulanger les sortir du four, soufflés comme des petits ballons, et les écraser les uns sur les autres avant de les tendre au gamin. J'ai noté la présence d'un vieillard assis les jambes croisés sur le trottoir derrière un panier contenant quelques mangues. Il y avait près de lui une Lada couleur de poussière sans pare-brise ni portière abandonnée depuis toujours. Un âne remorquant des petits riens nous a doublés, suivi par une mobylette ayant à son bord le chauffeur, un enfant sur ses genoux et deux dans son dos.

L'horloger se trouvait entre le marchand de télécommandes universelles et celui qui vend des étuis en plastique pour téléphone cellulaire.

- Avez-vous des bracelets de cuir pour remplacer celui-ci, demande Yasser?

On lui en montre quelques-uns. 

- Combien, je demande?

- 25£, tu imagines? Je pense pas que ça vaille ça. 10£ gros max.

- Peut-être avant que tu quittes l'Égypte. Tu vis dans le passé!

Je ne sais pas qui de nous deux a été le plus pingre sur ce coup-là. Moi pour lui avoir offert un présent si peu dispendieux, ou lui, qui pendant qu'on lui arrangeait son nouveau bracelet, a renégocié le prix de son cadeau. On l'a eu pour 20£... trois gros dollars.

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