Pour la Nord-Américaine que je suis, les toits n'ont rien de remarquable. Mise à part leur fonction évidente, ils servent à accumuler la neige en hiver. Il suffit de voir les toits de Paris, à partir de Montmartre qui en offre une toile splendide ou encore de la fenêtre d'un appartement du cinquième arrondissement avec une vue plongeante sur les alentours, pour qu'ils revêtissent une valeur esthétique. En Égypte, les toitures ne contribuent que de façon marginale au patrimoine architectural, mais ici aussi elles prennent un sens nouveau.
Les toits sont plats et permettent d'ajouter des étages au besoin, sans trop de modification à la structure existante. Le toit devient plancher et le nouveau plafond offre protection contre le soleil, le vent et la poussière de sable qui revêt à peu près tout. La belle famille de Marwa (la sœur cadette de Yasser), par exemple, construit appartement sur appartement, littéralement, au fur et à mesure que les frères et sœurs se marient. Ils viennent de finir le quatrième étage, une bonne dizaine d'années après le premier. Après la visite complète du propriétaire, nous sommes allés sur le toit où le cinquième étage est déjà en chantier. La vue panoramique du village y est exceptionnelle. On y voit des palmiers, des champs, des dunes et même quelques ruines pyramidales.
Vous m'avez crue?
On n'y voit rien de tout ça, mais des toits plats et inégaux à perte de vue, et aussi ce qu'ils abritent. En fait, ce sont de précieux plateaux offrant de l'espace qui manque sur le plancher des vaches. Bon, façon de parler... puisque que le plancher de nombreuses vaches est justement le toit des maisons. J'ai compris, enfin, d'où viennent les cocoricos incessants en pleine ville. On y voit aussi des dizaines de coupoles satellites qui nous amènent les nouvelles de l'Irak et de la Palestine, du Maroc, de la Syrie et de la Lybie, du Kowait, de la France et de l'Angleterre, des Émirats arabes unis, de la Jordanie, de l'Arabie saoudite et du Kurdistan. Le rôle des toitures ne s'arrête pas là, bien au contraire. Parfois véritables greniers en plein air, on y retrouve toutes sortes de cochonneries. Des vieux sacs d'épicerie roulent dans une fine couche de sable, du foin, abandonné une fois le dernier agneau sacrifié, sèche au soleil, un chat erre, espérant trouver quelques restes de table pour souper. De vieilles cages de bois, ayant servi à capturer les poulets, décrépitent lentement et des restes de matériaux attendent d'un espoir déchu la prochaine rénovation.
Si on se fichait des trous dans la couche d'ozone, les toitures pourraient aussi servir de terrasses où l'on se ferait bronzer la couenne. Mais ici, c'est une idée complètement farfelue. D'une part, il fait chaud en sacrament et n'importe quel Égyptien nous croirait fous de nous faire frire au soleil de plein gré. D'autre part, le teint de la peau est indirectement proportionnel à son statut social, cela sans compter que la plupart des femmes ne sortent pas le bout du nez à moins d'être couvertes de la tête aux pieds, même si c'est sur leur toit à elles. Mais ça, ce sera l'objet d'un autre blog.
10 juillet 2012
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1 commentaire:
À toi, belle québécoise ambulante, toute ma révérence à cette description hyperréaliste de toits et pleine de verve... Un vrai film de mots!!! Merci de ce tableau unique!!!
Une des Gazelles.
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