14 août 2012

Au dernier tournant, un vent de face

Avec le bébé, il n'est pas surprenant que je sois claquée le soir venu. Et puis à ma fatigue physique s'ajoute un épuisement psychologique, inversement proportionnel au nombre de jours qu'il me reste à endurer avant notre départ. 


Hier, j'ai souhaité bonne nuit à tout le monde quinze minutes après que Karim a sombré dans le sommeil. Il était 19h45.  Au lit, je suis allée faire un tour sur Facebook puis j'ai appliqué une crème anti-inflammatoire sur mes épaules. Au moment où j'ai mis la tête sur l'oreiller, l'imam du coin s'est mis à vociférer dans son haut-parleur tandis que le lift servant à monter le béton au cinquième étage de l'édifice en construction a entamé son tapage tristement familier. Pas de chance. Ces derniers jours avaient été plus calmes, car c'était seulement quand on coulait le béton que c'était aussi bruyant.

Toute seule dans la chambre, j'ai versé quelques larmes. Puis d'autres encore, celles-là parce que le bruit ayant cessé, je me suis dit qu'il fallait que je dorme au plus vite. J'en étais toutefois incapable, trop occupée à m'attrister sur mon sort, convaincue aussi qu'à l'instant où j'allais tomber dans les limbes le boucan reprendrait de plus bel.

Et puis les lumières se sont éteintes dans le salon adjacent à notre chambre. Mon chum m'a rejointe au lit.

- Qu'est-ce qu'y a qui va pas?

- J'suis au bout d'mon rouleau.  

- Dors, ça va t'faire du bien.

- J'voudrais bien, mais j'y arrive pas.

- En tout cas, moi je suis crevé. Bonne nuit.

J'ai continué à pleurer doucement.

- Dors Geneviève. Sinon vas écrire sur ton blogue.

Je n'ai pas bronché. C'est lui qui s'est levé.

- J'vais aller dormir dans l'autre chambre.

Je me suis mise à pleurer comme une enfant. 

- De tout ce qu'on entend autour, tu oses me dire que c'est moi qui t'empêche de dormir. Ça, c'est un coup bas. Pis là tu vas m'laisser toute seule à un moment où j'ai les émotions à plat.

- J'sais pas c'que tu veux. 

- Moi non plus. En fait, oui, j'le sais. J'veux partir au plus criss.

- Il nous reste juste une semaine ici. 

- Je compte les heures...

- Ça fait presque deux mois qu'on est ici. C'est rien une semaine, ça va passer vite, non?

- Non. C'est comme en vélo.  Les dix premiers et les dix derniers kilomètres sont toujours les plus longs.

Il s'est tu le temps de me caresser des yeux. Il avait compris comment ces sept jours étaient pour moi bien pires que leur valeur absolue. La voix douce, il a rajouté:

- Essaie de voir le bon côté des choses, comme tu fais d'habitude.

J'ai posé sur lui un regard vide. Puis, j'ai imploré:

- C'est quuuuoiiiii?

- On a un beau p'tit garçon en bonne santé. Il a même pas été malade pendant notre voyage. Sa grand-mère a eu l'bonheur de passer deux mois avec lui, deux mois où elle a oublié presque tous ses maux. C'est toi qui as rendu ça possible. 

Ces mots m'ont calmée. Comme si tout d'un coup je m'étais retrouvée à l'abris du vent derrière le cycliste en tête.

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