03 août 2012

Hallucinations hallucinées


Il n'y a pas longtemps mon chum a accompagné sa mère au Caire pour deux visites chez le médecin. Karim et moi n'avions pas de raison de suivre, car leur journée s'annonçait pénible... Mises à part les longues heures passées dans la voiture et la folle circulation dans la capitale, l'attente chez le médecin s'avère souvent interminable. Mama Loza avait pourtant rendez-vous, mais pas d'heure précise. C'est premier arrivé, premier servi, bien qu'on soit mieux servi si on a son porte-feuille à portée de main, c'est-à-dire celle de la réceptionniste.  Ce jour-là Mama Loza n'a attendu que 90 minutes pour ses deux visites. Son fils n'étant pas très patient, dans les deux sens du terme, il a vite attrapé quelques billets du fond de sa poche pour payer les frais administratifs nécessaires à la réorganisation illicite des rendez-vous.



Je n'avais pas envie de passer la journée seule avec Geddo alors j'ai proposé une visite chez Mona. La famille avait hâte de nous accueillir. Nada et sa petite sœur Menna ont même suggéré que nous y passions la nuit. J'ai accepté d'emblée puisque Karim et moi serions en bonne compagnie dans un appartement moderne et confortable. 



On atteint l'appartement de Mona au deuxième sans avoir le souffle court. En entrant, on est accueilli par des meubles qui ont fière allure. Ceux de la salle de réception brillent de leur fausse dorure et sont encadrés par d'oppulents rideaux qui trahissent leur intention d'impressionner le visiteur.  Le salon, comme beaucoup d'autres que j'ai vus en Égypte, est le carrefour giratoire de l'appartement. Il abrite de nombreuses portes, qui mènent partout ailleurs... à la cuisine, à la salle de bain, à la réception, aux chambres à coucher et sur le palier. La cuisine possède un frigo de taille normale, en acier inoxydable s'il-vous-plaît, et la salle de bain une douche délimitée par des tuiles de céramique qui n'ont pas été décimées par l'eau. Il n'y a pas de drain provenant de la cuisine pour y jeter son eau sale. Pas même de pompe à eau.   


Bref, l'appartement de Mona est tout ce que celui de ma belle-mère n'est pas. 

Sauf que... au retour de chez Mona je me suis surprise à aimer l'appartement de Mama  Loza. Quatre des six pièces sont dotées d'une porte donnant directement sur le balcon. La spacieuse terrasse en L offre une vue aérée sur le voisinage, car l'appartement occupe le coin de la rue et seul un de ses murs est mitoyen. Quand les volets sont ouverts, la lumière naturelle inonde et une bonne brise flatte la peau. Même la cuisine, qui n'a rien à se faire envier autrement, reste relativement fraîche.

Chez Mona, rien de tout ça. Le minuscule balcon a comme unique fonction de faire sécher le linge.  Chaque fenêtre est recouverte d'épais rideaux assombrissants pour dissiper la chaleur.  La cuisine est pire qu'une fournaise fonctionnant à plein régime. J'y ai passé une heure à faire des crêpes tard le soir, pensant que la température serait supportable à ce moment-là. Grossière erreur.  

Bref, malgré cinquante ans d'usure, l'appartement de Mama Loza a beaucoup d'attraits que des yeux avertis peuvent déceler.  Pour la première fois depuis mon arrivée, j'arrive à voir à travers les lunettes qui constamment pendent au nez de mon chum, celles-là même que je croyais complètement hallucinantes. Ses verres ont après tout quelque chose de vrai.




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